Chefs d’entreprise : comment cumuler activité et retraite ?

Il n’est pas toujours facile de s’arrêter de travailler lorsqu’on est dirigeant de société. Le plus souvent, les chefs d’entreprise cessent leur activité progressivement. Une façon de le faire est d’opter pour le cumul emploi-retraite, qui est possible à certaines conditions. Nous faisons le tour des situations existantes et des conditions à réunir.

Pourquoi cumuler retraite et activité ?

En tant que chef d’entreprise, vous pouvez dépendre de plusieurs régimes :

Les retraités des 2 premiers régimes sont de loin les plus nombreux : la SSI compte 2,2 millions de retraités, la MSA « exploitants agricoles » en dénombre près de 1,2 million. Les retraités des professions libérales, par comparaison, ne sont que 380 161. Le nombre de dirigeants salariés n’est pas indiqué, mais ils sont a priori assez minoritaires.

Or, les retraités du régime des indépendants et du régime des exploitants agricoles perçoivent des pensions plus basses que la moyenne des retraités. Par ailleurs, plus la rémunération est élevée (ce qui est le cas de la majorité des chefs d’entreprise) plus le taux de remplacementTaux de remplacement<p>Rapport entre le montant de la première pension de retraite (base et complémentaire) et celui de la dernière rémunération perçue.</p> – c’est-à-dire le montant de la retraite par rapport au montant du dernier revenu – est bas.

Le plus souvent, les dirigeants d’entreprise font donc face à une baisse significative de leurs revenus au moment de la retraite. Il est donc essentiel de préparer financièrement sa retraite, mais également de ménager une période de transition, pour éviter une baisse trop brusque de revenus. Par ailleurs, le métier de chef d’entreprise est très prenant, et pour certains, il peut être difficile d’arrêter d’un seul coup.

Pour toutes ces raisons, reprendre une activité – le plus souvent réduite – après avoir liquidé ses pensions de retraite, s’avère un choix très pertinent pour les chefs d’entreprise. C’est particulièrement vrai pour les indépendants et les agriculteurs, dont les retraites obligatoires sont en moyenne plus réduites. Mais les professions libérales et les dirigeants salariés sont également concernés. 

Pour en savoir plus sur le cumul emploi-retraite

Le cumul activité retraite: quelles sont les conditions ?

D’une façon générale, il est toujours possible de reprendre une activité professionnelle à la retraite. Il vous faut cependant au préalable liquiderLiquidation de la retraite<p>Lorsqu'un assuré souhaite partir à la retraite, il doit demander la liquidation de ses droits, c'est-à-dire faire valoir ses droits pour déclencher la mise en paiement de sa pension de retraite.</p> toutes vos pensions de retraite dans tous les régimes auxquels vous avez cotisé. 

Bon à savoir : Depuis 2015, la nouvelle activité, quelle qu’elle soit, ne vous ouvre aucun droit supplémentaire à la retraite. 
Mais, à compter du 1er septembre 2023 et l’entrée en vigueur de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, le cumul emploi-retraite permettra, sous certaines conditions, d’acquérir de nouveaux droits à la retraite.

Cumul plafonné, cumul déplafonné

Il existe 2 types de situations : le cumul plafonné, qui limite les montants que vous pouvez percevoir dans le cadre de votre nouvelle activité, et le cumul illimité ou non plafonné. 

  • Le cumul non plafonné, aussi appelé déplafonné ou libéralisé, intervient à 2 conditions : 
    • si vous avez liquidé toutes vos pensions de retraite ; 
    • si vous bénéficiez d'une retraite à taux plein : vous avez 67 ans ou vous avez entre 62 et 67 ans et remplissez la condition de durée d’assurance.
  • Le cumul plafonné s’applique aux personnes ne remplissant pas les conditions pour bénéficier du cumul libéralisé.

Si vous remplissez les conditions du cumul non plafonné, vous pourrez reprendre toute activité qui vous convient sans avoir à vous soucier du montant de vos revenus. Ils seront intégralement cumulables avec votre pension de retraite. C’est la situation idéale.

Dans le cas contraire, vous devrez respecter les règles contraignantes du cumul plafonné, qui varient suivant les régimes. Quand vous atteindrez 67 ans, ces règles ne s’appliqueront plus : vous pourrez cumuler sans limite vos revenus et vos pensions.

Cumul inter-régimes

Si vous avez toujours été indépendant, profession libérale ou exploitant agricole, rien ne vous empêche de reprendre une activité salariée dans votre entreprise ou ailleurs (ou une activité de salarié agricole sur votre exploitation). Si vous étiez dirigeant assimilé salarié, vous pouvez reprendre une activité indépendante. 

Cumul emploi-retraite et retraite anticipée

Si vous partez à taux plein avant l’âge légal de départ à la retraite (entre 62 et 64 ans selon votre date de naissance) grâce à un dispositif de retraite anticipée, ou si vous bénéficiez d’un dispositif (comme la retraite pour inaptitude) qui vous donne droit au taux pleinTaux plein<p>Taux maximum de calcul d'une retraite dont peut bénéficier l'assuré dans tous les régimes. Pour prétendre à une pension de retraite à taux plein, il faut remplir des conditions d'âge et de durée d'assurance.</p> sans avoir rempli la condition de durée d’assurance, vous n’avez pas droit au cumul non plafonné. Pour y prétendre, il faut impérativement partir à la retraite en ayant validé tous ses trimestres.

Une solution : les dividendes

Si vous êtes seul décideur dans votre entreprise, ou si vous avez la possibilité de vous entendre avec l’équipe de direction, il est possible de transformer votre entreprise en Société par actions simplifiée unipersonnelle (Sasu) (si ce n’est pas déjà son statut) et de vous rémunérer exclusivement ou quasi exclusivement en dividendes. Vous bénéficiez déjà de la couverture maladie en tant que retraité, et vous n’avez aucun intérêt à cotiser davantage à la retraite. Les dividendes des Sasu ne sont pas soumises à cotisations sociales mais uniquement à la CSG-CRDS (17,2 %) et au prélèvement forfaitaire unique (12,8 %). Si les circonstances s’y prêtent, ce système peut s’avérer le plus avantageux. 
 

Quelles règles de cumul plafonné dans les différents régimes de chef d’entreprise ?

Vous êtes travailleur indépendant

Les revenus de votre nouvelle activité relevant du SSI ne doivent pas dépasser la moitié du Plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS). En 2024, cela représente la moitié de 46 368 €, soit 23 184 € par mois.

Il existe une exception : si vous exercez votre activité dans un quartier prioritaire reconnu par les politiques de la ville ou dans une zone de revitalisation rurale, vous pouvez gagner jusqu’au montant du Plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 3 864 € par mois.

Dans les 2 cas, si votre revenu annuel dépasse le plafond correspondant à votre situation (1/2 PASS ou PASS), vous devez le signaler à la SSI et votre pension sera réduite proportionnellement au dépassement. Cette réduction prendra fin dès que vous cesserez de dépasser le plafond ou que vous atteindrez 67 ans. 

La réforme des retraites de 2023 prévoit toutefois la suspension de ce plafond en cas de « circonstances exceptionnelles nécessitant, en urgence, la poursuite ou la reprise d’activité par des assurés susceptibles de les exercer ». Cette suspension, fixée par décret, ne pourra pas excéder 1 an et pourra être renouvelée pour 6 mois maximum.

Exemple : Jean, soumis au cumul plafonné, perçoit une pension de la SSI (base + complémentaire) de 1 800 €. Il reprend en janvier 2023 une activité qui lui rapporte 24 000 € au cours de l’année. Il ne travaille ni en quartier prioritaire, ni en zone de revitalisation rurale. Il dépasse donc son plafond de revenu annuel (21 996 € dans son cas, c’est-à-dire 50 % du plafond annuel de la Sécurité sociale de 2023) de 2 004 €. En 2024, sa pension mensuelle sera réduite de 2 004 / 12 = 167 €. Il percevra donc chaque mois 1 800 – 167 = 1 633 € de pension de retraite SSI

Vous êtes exploitant agricole

Il n’y a pas vraiment de plafond de revenu dans le cas des exploitants agricoles. En principe, si vous ne remplissez pas les conditions du cumul total, vous ne pouvez plus travailler du tout en tant qu’exploitant agricole. Il existe cependant une série d’exceptions :

  • Vous pouvez continuer à exploiter une petite parcelle, dont la taille diffère suivant les départements ;
  • Vous pouvez donner un « coup de main » occasionnel sur l’exploitation, si elle est restée dans la famille, dans la limite de 10-15 heures par semaine ;
  • Si vous n’arrivez pas à transmettre votre exploitation dans des conditions normales de marché ou pour une raison indépendante de votre volonté, vous pouvez demander au préfet une autorisation de poursuivre provisoirement votre activité, pour une durée maximale de 2 ans renouvelable. 
  • Vous pouvez enfin exercer une activité commerciale d’hébergement en milieu rural.

Si vous ne remplissez pas ces conditions et que vous reprenez une activité d’exploitant agricole, votre pension de retraite est suspendue jusqu’à ce que vous atteigniez 67 ans ou que vous cessiez votre activité. 

Vous êtes profession libérale

Les revenus de votre activité libérale ne doivent pas dépasser le plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS), soit 46 368 € en 2024 .

À noter : Les revenus perçus en tant que médecin de garde du service de permanence de soins ne sont pas comptés pour calculer le dépassement du plafond.

Si votre revenu de profession libérale dépasse le plafond de la Sécurité sociale, vous devez le signaler à votre caisse de retraite, et votre pension est réduite proportionnellement au dépassement, comme pour les anciens chefs d’entreprise de la SSI. 

Mais, comme pour ces derniers, à compter du 1ᵉʳ septembre 2023, le plafond pourra être temporairement suspendu lorsque des circonstances exceptionnelles nécessitent, en urgence, la poursuite ou la reprise d'activités par des assurés indépendants susceptibles de les exercer. 

Certaines professions libérales ont ceci de particulier que leur âge de la retraite à taux plein, pour la retraite complémentaire, est plus élevé que l’âge légal de départ à la retraite de base (62 à 64 ans selon la date de naissance). C’est le cas des des vétérinaires (65 ans), ou encore des agents d’assurance, des huissiers et des notaires (entre 66 et 67 ans). Si vous dépendez de l’un de ces régimes tout en ayant cotisé à d’autres, il peut arriver que vous liquidiez vos pensions dans ces derniers, tout en poursuivant votre activité de professionnel libéral. Vous pouvez le faire : vous n’êtes pas obligé de liquider votre pension de libéral, vous n’avez pas de plafonnement et vous continuez à accumuler des droits. C’est une exception à la règle. 

Vous êtes dirigeant « assimilé salarié »

Les conditions du cumul emploi-retraite plafonné sont alors les mêmes que pour tous les salariés. En particulier, si vous souhaitez continuer à travailler pour le même employeur – c’est-à-dire votre entreprise – vous ne percevrez aucune pension de retraite pendant 6 mois. Les règles de cumul sont doublement différentes de celles des indépendants et des professionnels libéraux :

  • Le montant à comparer au plafond n’est pas simplement le revenu d’activité, mais la somme du revenu d’activité et de l’ensemble des pensions de retraite (de base et complémentaire) versées par le régime général, le régime des salariés agricoles et les régimes spéciaux. 
  • Le plafond se calcule en retenant le montant le plus élevé entre :
    • 160 % du Smic mensuel au 1ᵉʳ janvier de l’année concernée, soit 1,6 x 1 709,28 = 2 827,07 € en 2024.
    • La moyenne des 3 derniers mois de salaire.

Si la somme de votre revenu et de vos pensions de salarié dépasse le plafond, votre pension est réduite du montant du dépassement.

Exemple : Mélanie, dirigeante salariée soumise au cumul plafonné, perçoit une pension du régime général (base + complémentaire) de 1 600 €. Après liquidation de ses pensions, elle reprend un emploi dans une autre entreprise, avec un salaire de 2 000 €. Son salaire moyen, dans les 3 mois qui ont précédé sa retraite, s’élevait à 3 000 €. Ce montant étant supérieur à 160 % du Smic, c’est lui que l’on retient comme plafond. 2 000 + 1 600 = 3 600 : la somme de ses pensions et de son salaire dépasse donc le plafond de 600 €. Ses pensions de retraite seront réduites de cette somme : elle percevra au total 1 000 € par mois de l’Assurance Retraite et de l’Agirc-Arrco.

Le cumul en cas de transmission d’entreprise

Il existe un cas particulier de cumul emploi-retraite, propre aux chefs d’entreprises non agricoles, quel que soit leur statut (salarié ou non salarié). Si vous avez entre un âge compris entre 62 et 64 ans (selon votre date de naissance) et 67 ans au moment de votre départ à la retraite et que vous transmettez votre entreprise (vente du fonds de commerce ou cession de plus de la moitié de vos titres sociaux), vous pouvez continuer à travailler dans l’entreprise pendant 6 mois, en tant que salarié ou non-salarié, et cumuler intégralement vos revenus et vos pensions, même si vous ne remplissez pas les conditions du cumul déplafonné. 
 

Ce qu'il faut retenir sur le cumul emploi retraite des chefs d'entreprise

  • En tant que chef d’entreprise, vous pouvez être rattaché à 4 régimes différents : SSI, CNAVPL, MSA exploitants agricoles, régime général (dirigeants salariés). 
  • Pour pouvoir reprendre une activité, il faut avoir liquidé toutes vos pensions de retraite dans tous les régimes auxquels vous avez cotisé (sauf certaines professions libérales).
  • Vous pouvez reprendre librement une activité rattachée à un régime auquel vous n’avez jamais cotisé.
  • Si vous avez plus de 67 ans ou un âge compris entre 62 ans et 64 ans (selon votre date de naissance) et 67 ans avec tous vos trimestres validés, vous pouvez cumuler sans limite retraite et revenus d’activité.
  • Dans le cas contraire, vos revenus sont plafonnés, sauf pour les exploitants agricoles qui ne peuvent pas reprendre d’activité sur l’exploitation, hormis certaines exceptions.

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