Exploitant agricole : quelle retraite pour le conjoint collaborateur ?

Dans une exploitation agricole, le conjoint de l'exploitant est souvent impliqué dans la gestion et les travaux de l'exploitation, d'une façon qui est longtemps demeurée informelle. Il ne bénéficiait de ce fait d'aucun droit à la retraite. Depuis 2006, tout conjoint d'agriculteur qui travaille sur l'exploitation doit choisir entre le statut de salarié, celui de co-exploitant (associé) ou celui de conjoint collaborateur. Chaque option lui permet de bénéficier de droits à la retraite selon des modalités différentes. Explications.

Les conditions générales de la retraite

Des statuts différents pour des droits à la retraite différents

Le conjoint d'un exploitant agricole a le choix entre plusieurs solutions, qui donnent des droits différents à la retraite. Si le conjoint a le statut de salarié, il dépend du régime des salariés agricoles. S'il choisit le statut de co-exploitant, il dépend du régime des exploitants agricoles dans les mêmes conditions que son conjoint. S'il choisit le statut de conjoint collaborateur, il dépend également du régime des exploitants agricoles (MSA exploitants), mais dans des conditions spécifiques.

À quelles conditions ?

Le conjoint collaborateur peut être l'époux, le partenaire de Pacs ou le concubin de l'exploitant. Pour bénéficier du statut de collaborateur, il doit travailler au sein de l'exploitation sans percevoir de rémunération immédiate pour ce travail.

Le conjoint collaborateur peut avoir un travail salarié en dehors de l'exploitation, mais en fonction de la durée de ce travail salarié, ses droits à la retraite ne seront pas les mêmes.

S'il travaille exclusivement dans l'exploitation, ou qu'il travaille ailleurs à mi-temps ou moins, il est considéré comme travaillant sur l'exploitation à titre principal. Il perçoit l'ensemble des pensions de retraite touchées par les exploitants agricoles :

  • la partie forfaitaire de la retraite de base (Assurance vieillesse individuelle, ou AVI) ;
  • la partie proportionnelle de la retraite de base (Assurance vieillesse agricole, ou AVA) ;
  • la retraite complémentaire.

S'il travaille plus qu'à mi-temps, il est considéré comme travaillant sur l'exploitation à titre secondaire ; il ne perçoit que l'AVA et la pension complémentaire. Il n'a pas droit à l'AVI.

Depuis le 1er janvier 2022, dans le cadre de la loi Chassaigne, le conjoint collaborateur ne peut pas garder ce statut plus de 5 années. Il doit alors choisir de devenir co-exploitant ou salarié, un statut plus protecteur. 

À noter : le conjoint collaborateur marié conserve son droit à ce qu'on appelle le salaire différé. C'est-à-dire qu'il perçoit, à la mort de l'exploitant, et s'il a travaillé au moins 10 ans sur l'exploitation, une somme égale à 3 fois le Smic annuel, dans la limite du ¼ de la succession. Cette somme est exonérée de droits de succession, mais pas d'impôt sur le revenu (les enfants ou petits-enfants qui ont participé à l'exploitation perçoivent aussi un salaire différé, mais il est calculé différemment).

Et pour le reste de la famille ?

Les parents, enfants, petits-enfants, frères, sœurs et leurs conjoints ont droit à l'AVI, s'ils ont plus de 16 ans, vivent et travaillent sur l'exploitation, et ne dépendent d'aucun autre régime de retraite.

Ces mêmes membres de la famille peuvent en outre bénéficier du statut d'aide familial, lorsqu'ils participent à titre principal à la mise en valeur de l'exploitation, sans être salariés. Dans ce cas, ils bénéficient également de l'AVA et de la retraite complémentaire. Les aides familiaux qui ont acquis ce statut après le 18 mai 2005 ne peuvent pas le conserver plus de 5 ans.

Les membres de la famille qui ne bénéficient ni du statut d'aidant, ni de celui de conjoint collaborateur ne peuvent bénéficier que de l'AVI. Ils ne bénéficient ni de l'AVA, ni de la retraite complémentaire.

Quelles cotisations retraites ?

Le conjoint collaborateur d'un exploitant agricole cotise obligatoirement pour la retraite de base et la retraite complémentaire auprès de la Mutualité sociale agricole (MSA).MSA ou Mutualité sociale agricole<p>Organisme chargé de gérer la retraite de base des salariés agricoles et la retraite de base et complémentaire des exploitants agricoles.</p>

L'exploitant acquitte au nom du conjoint collaborateur 2 cotisations différentes (3 si l'activité du conjoint sur l'exploitation est la principale) :

  • Une cotisation pour la retraite proportionnelle (AVA) calculée en fonction des revenus professionnels. C'est la cotisation que paierait un exploitant (11,55 %) si ses revenus professionnels s'élevaient à 400 fois le Smic horaire brut au 1er janvier. Elle donne droit à 16 points de retraite ;
  • Une cotisation pour la retraite complémentaire. Elle est également calculée sur les revenus professionnels. C'est la cotisation que paierait un exploitant (4 %) si ses revenus étaient de 1 200 fois le Smic horaire brut au 1er janvier. Elle donne droit à 66 points de retraite.

L'exploitant agricole acquitte en plus une cotisation pour la retraite forfaitaire (AVI) dont le taux est de 3,32 % en 2024, lorsque l'activité principale de son conjoint est agricole. L’AVI est calculée sur les revenus professionnels, sur une base de 800 SMIC par an. Elle est prélevée sur la part des revenus professionnels inférieure au plafond de la Sécurité sociale, soit 46 368 € en 2024.

Et pour les périodes passées ?

Les conjoints collaborateurs peuvent racheter des trimestres d'études dans les mêmes conditions que les exploitants.
Ils peuvent également racheter, pour les années antérieures à 1999, 15 pointsPoint de retraite<p>Les cotisations d'un assuré lui permettent d'acquérir des points retraite dans certains régimes, comme le régime complémentaire Agirc-Arrco. Le montant de sa retraite est égal au total des points acquis pendant sa vie professionnelle, multipliée par la valeur du point lors de son départ en retraite.</p> de retraite proportionnelle (AVA) pour chaque année où ils ont cotisé à la retraite forfaitaire. En effet, la retraite forfaitaire était accessible aux conjoints – même si elle était facultative – avant 1999 ; mais la retraite proportionnelle ne l'était pas.

Et pour le reste de la famille ?

Pour l'AVI, l'exploitant verse pour chaque membre de la famille bénéficiaire une cotisation du même montant que celle qu'il acquitte lui-même.

Pour l'AVA, l'exploitant verse en leur nom des cotisations du même montant que celles du conjoint collaborateur.

Les membres de la famille peuvent racheter les périodes travaillées avant leur majorité s'ils n'étaient pas scolarisés.
 

Quelles prestations retraites ?

La pension du conjoint collaborateur est calculée de la même façon que celle de l'exploitant.

Retraite de base

Les conjoints collaborateurs qui ont travaillé à titre principal sur l'exploitation perçoivent la retraite forfaitaire (AVI), qui s'élève à 309,42 €  par mois en 2024 . Elle est réduite en proportion de la durée de cotisation effective sous ce régime, par rapport à la durée d'assurance requiseDurée d'assurance requise<p>Aussi appelée «<span class="nbsp"> </span>durée minimale d'assurance<span class="nbsp"> </span>», il s'agit de la durée de cotisation légale, calculée en trimestres et tous régimes confondus, nécessaire pour percevoir une pension de retraite à taux plein.</p>, soit 288,48 €  par mois en 2024

Tous les conjoints collaborateurs d'exploitants agricoles, qu'ils aient travaillé à titre principal ou secondaire sur l'exploitation, perçoivent la retraite proportionnelle (AVA). Celle-ci se calcule en multipliant le nombre de points acquis par la valeur du point, (4,264 €  en 2024 ),  puis par 37,5 ans / durée d'assurance requise en années. Par exemple, pour un conjoint collaborateur né en 1955, qui doit cotiser 166 trimestres, soit 41,5 ans, la pension doit être multipliée par 37,5 / 41,5 = 0,904.

La retraite forfaitaire et la retraite proportionnelle, sont affectées d'une décote lorsque l'assuré n'a pas cotisé la durée d'assurance requise (entre 166 et 172 trimestres suivant son année de naissance), dans les mêmes conditions que pour les autres régimes de base.

Focus sur la pension majorée de référence (PMR)

La pension majorée de référence (PMR) complète la retraite de base et garantit un revenu minimal de la pension de retraite, égal à environ 85 % du Smic, pour les non-salariés agricoles comme pour les conjoints collaborateurs. 

Pour en bénéficier, il faut, au choix : 

  • justifier de la durée d’assurance permettant l’obtention d’une pension à taux plein, dans 1 ou plusieurs régimes obligatoires ;
  • avoir atteint l’âge d’annulation de la décote (67 ans). 

La PMR ne peut pas dépasser un certain montant. En 2024  ce montant est de 847,57 € pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, et les conjoints collaborateurs. Au-delà d’un certain seuil de revenus, qu’on appelle « seuil d’écrêtement » (égal au montant de l’ASPA pour une personne seule, soit 1 012,02 €  par mois en 2024 ), le montant de la PMR que perçoit l’assuré peut être réduit. Cette réduction dépend de la durée d’assurance accomplie au régime des non-salariés agricoles par rapport à la durée d’assurance nécessaire au taux plein. 

Depuis le 1er janvier 2022, les conjoints collaborateurs ayant exercé toute leur carrière sous ce statut, ont vu leur pension de retraite augmenter d’environ 100 €, grâce à une série de mesures techniques inscrites dans la loi Chassaigne, dont : 

  • la création d’un montant unique de pension majorée de référence (PMR) pour tous les non-salariés agricoles, ce qui revient à aligner la PMR des conjoints collaborateurs et aides familiaux sur celle des chefs d’exploitation ;
  • le relèvement du seuil d’écrêtement de la PMR au niveau du montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Depuis le 1er janvier 2022, le montant du 1er est équivalent au montant du 2d, soit 1 012,02 € €. 

La loi limite également à 5 ans le statut de conjoint collaborateur — limitation qui existe déjà pour les aides familiaux —, afin d’encourager les conjoints collaborateurs à choisir un statut plus protecteur (co-exploitant ou salarié). 

Retraite complémentaire

Comme pour l'exploitant, on multiplie simplement le nombre de points acquis par la valeur de ce point, pour obtenir la pension annuelle. En 2024, le point vaut 0,3614 €.

 

Ce qu'il faut retenir sur la retraite du conjoint collaborateur d'un exploitant agricole

Le conjoint collaborateur peut être l'époux, le partenaire de Pacs ou le concubin.

Il doit travailler pour l'exploitation et ne pas toucher de rémunération pour ce travail. Il bénéficie de la partie forfaitaire (AVI) et proportionnelle (AVA) de la retraite de base, ainsi que de la retraite complémentaire. S'il travaille moins qu'un mi-temps dans l'exploitation, en revanche, il ne touche pas l'AVI.

L'exploitant acquitte directement les cotisations de son conjoint : l'AVA au taux de 11,55 %, la retraite complémentaire et, si le conjoint travaille principalement dans l'exploitation, l’AVI au taux de 11,55 %. En 2024, la pension est de 288,48 €  par mois pour l'AVI.

La retraite complémentaire et l'AVA se calculent en points.

Depuis le 1er janvier 2022, le conjoint collaborateur ne peut pas garder ce statut plus de 5 années. S’il veut continuer à travailler dans l’exploitation, il doit devenir salarié ou co-exploitant. 

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