La retraite des expatriés dans les pays de l'Union européenne en pratique

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De plus en plus de Français sautent le pas et effectuent au moins une partie de leur carrière à l'étranger. Cela n'est pas sans conséquences pour la retraite. Mais les règles sont très différentes selon que le pays de destination fait partie de l'Union européenne (UE) ou non. Explication, à travers un exemple concret, du calcul de la pension de retraite d'un expatrié dans des pays de l'Union européenne.

Les conditions générales

La retraite des expatriés dans l'Union européenne : l'exemple de Sylvie

Sylvie, née en janvier 1954, a travaillé 21 ans comme salariée en France, 15 ans comme indépendante en Autriche et 4 ans comme salariée en Italie. Elle souhaite prendre sa retraite en août 2019. Les 3 pays où elle a travaillé font partie de l'UE. Sa pensionPension de retraite<p>Somme versée périodiquement à un assuré après la liquidation de sa retraite, après cessation totale ou partielle de l'activité professionnelle.</p> sera donc calculée suivant les règles communautaires : l'ensemble des trimestres cotisésTrimestre cotisé<p>Trimestre ayant donné lieu à versement de cotisations, calculées sur les revenus d'activité.</p> dans les différents pays comptent pour ses droits à la retraite.
 
Elle totalise 21 + 15 + 4 = 40 ans de cotisations, soit 160 trimestres.

La condition de l'âge de départ à la retraite

En août 2019, Sylvie atteint 65 ans et 7 mois.
 
En France, pour sa génération (1954), l'âge minimal de départ à la retraiteÂge légal de départ à la retraite<p>Âge à partir duquel une personne peut demander à prendre sa retraite. En France, il est de 62 ans pour les assurés nés à partir de 1955.</p> est de 61 ans et 7 mois. Puisqu'elle est née après le 1er juillet 1951, elle est pleinement concernée par la réforme de 2010 repoussant l'âge de la retraite.
 
En Italie, depuis la réforme des retraites du 1er janvier 2012, l'âge minimal pour les salariées du secteur privé est de 66 ans et 7 mois.
 
En Autriche, l'âge minimal de départ à la retraite pour une femme est de 60 ans.
 
Elle peut donc faire valoir ses droits à la retraite en France et en Autriche, mais pas en Italie.

La condition de durée d'assurance requise

En France, pour la génération de Sylvie (née en 1954), la durée d'assurance requiseDurée d'assurance requise<p>Aussi appelée «<span class="nbsp"> </span>durée minimale d'assurance<span class="nbsp"> </span>», il s'agit de la durée de cotisation légale, calculée en trimestres et tous régimes confondus, nécessaire pour percevoir une pension de retraite à taux plein.</p> pour percevoir une pension à taux pleinTaux plein<p>Taux maximum de calcul d'une retraite dont peut bénéficier l'assuré dans tous les régimes. Pour prétendre à une pension de retraite à taux plein, il faut remplir des conditions d'âge et de durée d'assurance.</p> est de 165 trimestres (41 ans et 3 mois). Il lui manque donc 5 trimestres si l'on compte l'ensemble des périodes travaillées en Europe. Comme elle a atteint l'âge minimal, elle peut prendre sa retraite, mais sa pension subira une décoteDécote<p>Réduction définitive appliquée au montant de la pension d'un assuré. Elle s'applique lorsque l'assuré choisit de partir à la retraite alors qu'il n'a pas atteint la durée de cotisation requise pour percevoir une retraite à taux plein.</p> .
 
En Autriche, elle remplit également la condition de durée d'assurance requise : la durée minimale est de 180 mois de cotisations sur les 30 dernières années ou 300 mois sur l'ensemble de la vie active.

Calcul de la pension de retraite : exemple pratique

Pour déterminer la pension de Sylvie, les régimes de la France et de l'Autriche effectuent un double calcul :

  • la pension "nationale" qui prend uniquement en compte les règles en vigueur dans le pays ;
  • et la pension "communautaire" qui utilise les durées d'assurance cumulées.

Le plus avantageux de ces 2 montants sera retenu par chacun des pays.

Le calcul de la pension nationale

Sylvie a travaillé 21 ans en France, soit 84 trimestres, en tant que salariée. Le régime général français calculera donc ses droits, pour la pension nationale, en ne tenant compte que de ces 84 trimestres.

Le salaire annuel moyen

Ce montant est obtenu en faisant la moyenne des 25 meilleures années de salaire. Comme elle n'a travaillé que 21 ans en France, on retiendra la moyenne de ces 21 années. Dans l'exemple de Sylvie, ce montant s'élève à 17 500 €.

Ce salaire annuel moyen est ensuite affecté d'un pourcentage qui donnera la pension finale pour une carrière complète (soit 165 trimestres pour la génération de Sylvie).

Le pourcentage maximal, qu'on appelle le taux plein, est de 50 %. Si Sylvie avait travaillé 165 trimestres en France, elle percevrait 50 % de 17 500 €, soit 8 750 € par an. Comme elle ne compte que 84 trimestres, sa pension est doublement réduite, à travers la décote et la "proratisationCoefficient de proratisation<p>Taux de réduction de la pension de retraite quand l'assuré n'a pas validé une carrière complète dans un régime de retraite, c'est-à-dire lorsque l'assuré n'a pas validé un nombre de trimestres égal à la durée d'assurance requise.</p> ".

La décote

Pour calculer le montant de cette décote, on compte :

  • le nombre de trimestres qui manquent à Sylvie pour atteindre la durée d'assurance requise, soit 165 - 84 = 81 trimestres ;
  • le nombre de trimestres qui lui manquent pour parvenir à 66 ans et 7 mois, l'âge de la retraite à taux plein pour sa génération. Comme elle a 65 ans et 7 mois, il lui manque 4 trimestres pour atteindre cet âge.

On retient le chiffre le plus bas, dans la limite de 20 trimestres soit, dans l'exemple de Sylvie, 4 trimestres.

Pour calculer la décote, on multiplie le nombre de trimestres manquants par le coefficient de décote (0,625 %). Le taux plein de 50 % est donc réduit de 0,625 % x 4 = 2,5 %. Le taux appliqué au salaire annuel moyen sera en conséquence de 50 % - 2,5 % = 47,5 %. Cela donne une pension annuelle de 17 500  x 47,5 % = 8 312,5 €.

La "proratisation"

La pension est ensuite réduite une 2nde fois, au prorata de la durée effectivement validée dans le régime, soit 84 trimestres sur une durée d'assurance requise de 165 trimestres. On obtient donc une pension nationale de 7 875  x 84 / 165 = 4 009,01 €.

Les régimes autrichien et italien procèdent de même en appliquant leur propre législation. La pension, suivant ce calcul, peut s'avérer nulle, par exemple si la durée de cotisation est insuffisante.

Le calcul de la pension communautaire

La pension communautaire est calculée sur l'ensemble des durées travaillées dans les 3 pays, soit 160 trimestres (et non plus 84 comme pour la pension française). Cela influe doublement sur le résultat : le salaire annuel moyen et la décote ne seront pas calculés de la même façon.

Le salaire annuel moyen

Dans le cas de la pension communautaire, le nombre de 25 années de revenu dont on fait la moyenne pour obtenir le salaire annuel moyen est réduit au prorata du nombre d'années passées en France, par rapport à l'ensemble de la carrière dans des pays de l'Union.

Il y a cependant une condition : il faut que les régimes étrangers concernés soient équivalents au régime français. Cela suppose que les pensions soient calculées, dans ces régimes, en fonction de cotisations et des revenus de tout ou partie de la carrière, avec une durée de référence d'au moins 15 ans, ce qui n'est pas toujours le cas.

Sylvie a travaillé 4 ans en Italie, dont le régime des salariés n'était pas équivalent au régime français avant 2011 : cette période ne compte donc pas. En revanche, elle a travaillé comme non-salariée pendant 15 ans au Autriche ; ce régime est bien équivalent au régime français des non-salariés.

En conséquence, le nombre d'années de revenus utilisé pour déterminer le salaire annuel moyen sera réduit de la façon suivante : 21 ans en France plus 15 ans en Autriche donnent 36 ans soit 25 x 21 / 36 = 14,6 arrondi à 15.

Le salaire annuel moyen de Sylvie sera déterminé sur la base des 15 meilleures années de revenu sur les 21 ans qu'elle a passés en France. Le montant sera donc plus élevé que dans le calcul de la pension "nationale", puisque les années où elle a été le moins bien payée ne sont pas prises en compte. Son salaire annuel moyen sera alors, par exemple, de 20 000 € au lieu de 17 500 €.

Le taux

La décote sera potentiellement moins défavorable que dans le cas de la pension "nationale". En effet, la durée d'assurance retenue pour le calcul du taux n'est plus la même. On cumule désormais les périodes passées dans les 3 pays, soit 160 trimestres. Pour atteindre la durée d'assurance requise de 165 trimestres, il ne lui manque plus que 5 trimestres. Pour atteindre 66 ans et 7 mois, l'âge de la retraite à taux plein pour sa génération en France, il manque toujours 4 trimestres à Sylvie. On retient le nombre qui lui est le plus favorable, soit toujours 4 trimestres.

La décote qui s'applique, par trimestre, pour sa génération, est donc toujours de 5 %. Le taux appliqué au salaire annuel moyen sera ainsi de 50 - 5 = 45 %. La pension annuelle s'élève alors à 45 % de 20 000 €, soit 9 000 €.

La pension

Ce montant est ensuite ramené à la durée travaillée par Sylvie en France (84 trimestres), par rapport à l'ensemble de sa carrière dans les pays de l'Union européenne (160 trimestres) : 9 000 x 84 / 160 = 4 725 €.

Le montant est plus élevé que pour la pension nationale, car si la décote est identique (2 trimestres manquants), le salaire annuel moyen est plus élevé (la moyenne des 15 meilleures années sur 21 au lieu de la moyenne des 21 années).

Dans le cas de Sylvie, on retiendra donc, pour la part française, le calcul de la pension communautaire de 4 725 €, plus favorable que le calcul de la pension nationale de 4 091,01 € (cela représente environ 50 € de plus par mois).

Pour le régime autrichien (et le régime italien quand elle atteindra l'âge de départ), on effectue la même comparaison, et on retient le montant le plus élevé. Sylvie percevra les 2 (puis les 3) pensions cumulées, versées par chacun des 2 (puis 3) pays.

Ce qu'il faut retenir sur la retraite des expatriés dans l'Union européenne

En ce qui concerne les conditions de départ à la retraite (âge et durée d'assurance), les règles sont celles des différents pays, qu'ils soient de l'Union européenne ou non.

Pour le calcul du montant de la pension, chaque pays calcule le montant de la pension "nationale" et celui de la pension "communautaire". On retient le montant le plus élevé.

La pension "communautaire" est calculée sur l'ensemble des durées travaillées dans l'Union européenne, contrairement à la pension "nationale". Cela influe sur le salaire annuel moyen et la durée d'assurance cotisée. Le calcul de la pension "communautaire" peut donc permettre concrètement d'augmenter le montant de la pension de retraite.

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